jeudi 17 avril 2014

NANCY, LA BELLE LORRAINE

Place Stanislas : les grilles de Jean Lamour par fidber (CC/by/2.0).
Place Stanislas : les grilles de Jean Lamour par fidber (CC/by/2.0)
Régulièrement, La jolie ville de Nancy a rendez-vous avec l’histoire et profite souvent de ses soubresauts pour les transformer en atouts artistiques. Elle a triomphé pendant la Renaissance, a fait émerger l’Art Nouveau et reste la ville chérie du roi Stanislas, beau-père de Louis XV qui a donné son nom à une des plus belles places d’Europe. Et en ces temps de commémorations de la grande guerre de 14-18, plus que jamais, elle vaut le voyage…

Personne ne sait tout à fait au juste ce qui a inspiré Claude Lemesle et Pierre Delanoë, les auteurs de la chanson que Joe Dassin a mise sur toutes les lèvres. Le Café des Trois Colombes   n’a jamais vraiment existé. Du moins, pas plus que le Café Pouchkine à Moscou quand Gilbert Bécaud l’avait célébré en interprétant Nathalie. Mais si ce dernier a été bâti ensuite et reste un des incontournables de la capitale de la Russie, le bistrot de Joe Dassin figurait plutôt un de ces grands cafés qui font le tour de la place Stanislas et des grilles dorées de Jean Lamour.

Les grandes brasseries et les musées

Est-ce le Grand Café de Foy ou la brasserie Jean Lamour ou encore le Café du Commerce, à la terrasse desquels il ne faut pas manquer de s’installer quand « Nancy au printemps, ressemble au Midi… » qui ont inspiré les paroliers ? Sans doute… Ce sont des monuments en eux-mêmes et leur décor intérieur est somptueux. Reste juste que l’emplacement est si prestigieux que le vin chaud, le chocolat chaud et les consommations en général y sont relativement chères et c’est un peu dommage.

En suivant le guide dans les rues du centre historique de Nancy (54).
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Nancy regorge de musées qui témoignent de sa riche histoire en France ou aux portes de celles-ci quand elle n’était encore que la perle du Duché de Lorraine.

Quand la Prusse annexe l’Alsace et la Lorraine (on devrait dire « Moselle » puisque Nancy reste française), elle trône à 15 kilomètres de la frontière et s’enrichit de l’arrivée en masse des « optants », c’est-à-dire les Alsaciens et Mosellans qui refusent d’être Prussiens. La population s’agrandit, les Daum, Gallé, Majorelle et les autres apportent avec eux leur enthousiasme, leur créativité, leurs moyens financiers et vont faire émerger l’Art Nouveau. Ils feront de Nancy l’une des capitales de l’art européen. Le musée de l’Ecole de Nancy, installé dans la villa du mécène Eugène Corbin, propriétaire des Magasins Réunis, regorge de pièces exceptionnelles, meubles, objets d’art, verre, vitrail, cuir, céramique, textiles… inspirées par la nature, rompant ainsi avec les thèmes religieux et antiques dont s’inspiraient jusqu'alors les artistes.

En plus de ses collections permanentes dont l’intérêt est inépuisable, le musée s’inscrit dans les célébrations du centenaire de 14-18 avec une exposition « Les artistes de l’Ecole de Nancy et la Guerre 14-18 » jusqu'au 29 juin au musée de l’Ecole de Nancy.

Des itinéraires qui permettent de découvrir les merveilles de l’Art Nouveau à Nancy sont proposés. Ils sillonnent les rues Saint Nizier et Saint Jean, artères commerçantes renommées, mènent au Parc de Saurupt, le Parc Sainte Marie, la fameuse Villa Majorelle

Tourisme en ville : Nancy (NL).
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Toute l’histoire de la Lorraine est conservée au Musée Lorrain dans la vieille ville où l’on peut admirer aussi des églises de style néo-gothique comme Saint Epvre, la chapelle du couvent des Cordeliers et le Palais Ducal qui abrite le musée.

Des croisades aux tranchées

En dehors des témoignages de l’époque des Croisades et de la Renaissance avec le fameux trésor de Pouilly et l’inscription du lieu où eu lieu la bataille de Nancy en 1477 au cours de laquelle Charles le Téméraire, duc bourguignon, perdit la vie et fit ainsi passer la société du Moyen-Age à la Renaissance, le musée Lorrain propose une exposition « Eté 1914, la Lorraine en guerre » jusqu'au 21 septembre. Avec des témoignages des batailles qui ont eu lieu pendant l’été 1914 - juste avant que débute la guerre des tranchées - et des objets de la ville quotidienne, cette exposition à la fois historique, artistique et sociétale, - et qui fait partie des opérations labellisées par la mission du Centenaire 14-18 et s’inscrit dans le cycle officiel des commémorations programmées en France - raconte la bataille du Grand Couronné. Du nom des 7 collines en demi-lune entre Pont à Mousson et Épinal.

Même si elle est assez peu présente dans les livres d’histoire, elle est déterminante pour la suite de la guerre. Les combats se déroulent au corps à corps, la colline du Léomont change 8 fois de mains en une nuit. Cette bataille donnera au Maréchal Joffre la marge de manœuvre nécessaire pour gagner la première bataille de la Marne en septembre 1914.

La légende de Saint Nicolas enflamme la Place Stanislas de Nancy (54).
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Si le patrimoine historique de Nancy sera relativement épargné par les bombardements, les reconstructions nombreuses vont faire le chemin du style Art Déco qui permettra à Nancy de conserver sa place de foyer d’art. Jusqu’au 19 mai, une exposition « L’Art et la guerre Opus1 » suit le chemin du conflit mondial au musée des Beaux-Arts où l’on peut voir surtout la collection Daum  qui témoigne de 100 ans de production de la fameuse manufacture. Elle assure la transition entre l’Ecole de Nancy et l’Art Déco.

Pour découvrir ce patrimoine inouï et tout le charme de cette ville aisée, bourgeoise et intellectuelle, - ses universités de Droit et de Médecine sont toujours renommées, - les séjours thématiques proposés à l’occasion de tous ces évènements sont particulièrement bien construits.

Restera, à la fin de toutes ces célébrations, à partir à la découverte de son patrimoine Renaissance et des somptueuses traces laissées par Stanislas et aussi sur celles imprimées dans la ville et ses alentours de la légende de Saint Nicolas. Le seul au monde qui fasse de l’ombre au Père Noël ! Rendez-vous le 6 décembre depuis le balcon de l’Impératrice.

dimanche 6 avril 2014

LYON, L'AUTRE CAPITALE

Illustration 1: Le projet Two Lyon présenté au MIPIM de Cannes.
Illustration 2: l'Entrée triomphale de Napoléon à Lyon le 10 Mars 1815.
François 1er et Napoléon avaient songé à faire de la capitale des Gaules, celle de la France. Le destin et l’histoire en ont décidé autrement. Il n’empêche que Lyon a toujours eu, ne serait-ce que par sa situation géographique idéalement placée au cœur de l’Europe, des ambitions internationales, des initiatives audacieuses et l’esprit précurseur.

 L’exposition "Lyon, centre du monde ! L’exposition internationale urbaine de 1914" aux musées Gadagne jusqu'au 27 avril 2014, en est une formidable illustration. A la fin du XIXème siècle, les capitales rivalisaient entre elles à coup d’expositions universelles qui servaient de vitrines à la révolution industrielle et ont laissé d’ailleurs d’impérissables souvenirs.

 Ce sont 4 hommes qui sont à l’initiative de cette grande exposition spécialisée à Lyon. L’architecte urbaniste Tony Garnier, le médecin et hygiéniste Jules Courmont et le vice-Président de la Chambre de Commerce Louis Pradel, homonyme de celui qui fut maire de Lyon dans la seconde moitié du XXème siècle. Ils ont proposé le projet à Edouard Herriot, sénateur-maire de Lyon et futur président du Conseil. D’emblée ce dernier avait trouvé le projet risqué. Il a pourtant vu le jour. On était en 1914. Et il paraît que personne ne se doutait de rien et qu’on croyait en un avenir radieux.

 Lyon, capitale du monde et … de Lyon

 Pour eux, il est question de présenter la cité moderne et hygiéniste au cours d’une exposition de grande envergure, mais en évitant qu’elle ne soit que commerciale. Le problème de l’hygiène est crucial dans les villes qui connaissent un fort développement.  Le Vieux Lyon est encombré d’immondices, la tuberculose fait 150.000 morts par an et l’alcoolisme s’occupe du reste.

Lyon, centre du monde !
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Il s’agit certes de propreté, mais aussi de comportements. L’idée est neuve. Lyon s’inscrit dans l’avenir, s’ouvre des perspectives européennes auxquelles elle ne renoncera jamais et l’évènement résiste à la déclaration de guerre. L’exposition qui prône le bien-être et l’art de vivre va s’étendre sur 75 hectares dans le quartier de la Mouche, accueillir 60 pavillons autour du Grand Hall, 17.000 entreprises françaises et étrangères et 11 nations étrangères. Parmi lesquelles l’Allemagne dont la réussite industrielle fait l’admiration de tous et qui a construit le plus imposant des pavillons. Elle se retirera avec l’Autriche et les biens ennemis seront autant de prises de guerre.

L’exposition ira à son terme et fermera le 11 novembre 1914. Entre temps, et comme la guerre n’aura pas encore usé les belligérants on pourra admirer des objets d’art et rares comme les plus belles soieries lyonnaises du Premier Empire, le lit de Louis XVIII conservé au Louvre. Braque et Picasso seront au Salon des Peintres Modernes. Et puisqu’il est question de santé, un immense jardin est présenté, un village alpin avec une ferme modèle, une exposition coloniale.

Régis Neyret, le plus lyonnais des Lyonnais

Au moment même du vernissage de l’exposition sur l’exposition, est sorti aux Editions Lyonnaises d’Art et d’Histoire, l’ouvrage de Laurence Jaillard « Régis Neyret et Lyon. Un humaniste engagé dans sa ville ». Il devenait indispensable de raconter et de faire se raconter ce personnage plein d’esprit à qui l’on doit le sauvetage du Vieux Lyon, le plus vaste ensemble d’architecture Renaissance d’Europe désormais classé au patrimoine de l’Unesco.

On retrouve là les préoccupations hygiénistes, même si le temps a passé et que rien n’a vraiment évolué en matière de salubrité plusieurs dizaines d’années plus tard. Le quartier est sale et pauvre et si on le rase, on a de la place pour l’autoroute ! Sous l’impulsion de Régis Neyret qui fera le siège de la Mairie et des ministères pour que le Vieux Lyon soit le premier bénéficiaire de la nouvelle loi Malraux, le quartier sera sauvé.

Les musées Gadagne, un parfait point de départ pour visiter Lyon.
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L’espiègle Régis Neyret définit chaque maire de Lyon qu’il a connu en une phrase. Edouard Herriot, c’est la puissance du verbe, même quand il était physiquement très affaibli, Francisque Collomb - pas Gérard le maire actuel dont Régis Neyret ne parle pas parce qu’il se représente – est défini comme un démocrate, Michel Noir est « rayonnant » et Raymond Barre est reconnu comme un économiste international de premier plan . Bref, l’ouvrage est indispensable pour qui aime Lyon ou souhaite mieux la connaître.

Des rêves aux jardins du musée

Depuis que Maria-Anne Privat-Savigny a repris en mains les destinées du musée Gadagne, le musée d’Histoire de Lyon et des Marionnettes du Monde, les initiatives se multiplient. On retiendra la Biennale musiques en scène qui dure jusqu’au 29 mars avec Le Jardin des Songes une création de Jean-Baptiste Barrière dans les délicieux jardins du musée posés sur le flanc de la colline de Fourvière. Le public est invité à raconter ses rêves que l’artiste interprète et met ensuite en scène.

L’autre événement Miroirs distants a lieu le samedi 29 mars à 17 et 18h. Il s’agit d’une performance musicale et visuelle connectée entre les musées Gadagne de Lyon et le Miller Theater à New-York. Dans les deux lieux, les images des rêves collectés dans Le Jardin des Songes seront projetées sur grand écran, accompagnées par deux musiciennes à 6000 km de distance.