dimanche 1 décembre 2013

CHAMPENOISE, BOURGUIGNONNE ET GOURMANDE

Chien truffier © collection MDT52

Ce sont deux régions qui donnent à boire et à manger, deux régions qui donnent faim et sont riches de ressources connues et reconnues dans le monde entier. Entre les deux, champenoise au nord et bourguignonne au sud, la Haute Marne cultive de véritables et uniques trésors.

Cette terre de frontières a longtemps attiré la convoitise des duchés turbulents qui jouxtaient le royaume de France, les Guise, Claude de Lorraine et les ducs de Bourgogne ne la quittaient pas des yeux. A Joinville et Châteauvillain, nombreux sont les vestiges de cette grandeur historique.

Reste que la proximité des frontières de l'époque avait donné des idées à Voltaire qui s'était débrouillé pour n'avoir qu'à enfourcher un cheval quand il était menacé par les troupes du roi. Une des raisons pour lesquelles il séjournait à Cirey-sur-Blaise chez la belle Emilie du Châtelet. Un peu plus au nord, De Gaulle de son bureau installé dans une tour de la Boisserie avait Paris en ligne de mire pendant sa traversée du désert.

Le pâté croûte du Général

Apprendre à faire le Pâté en Croûte du Général** à l'Atelier B de Jonchery (52).
Pâté Croûte. Voir la vidéo... (08:58)
Alors apprenti chez un pâtissier de Chaumont, Jean Marc Bouquin, désormais traiteur à l'Atelier B à Jonchery, se souvient qu'il allait porter le pâté aux truffes le dimanche à Colombey-les-Deux-Eglises. Il transportait aussi l'Idéal chaumontais au lait d'amandes dont le Général et Madame étaient friands. Ils lui demandaient de les poser sur le siège à côté du chauffeur et répondaient aimablement au salut de l'apprenti intimidé.

Le chef le raconte avec des trémolos dans la voix à ses élèves qui assistent à ses cours de cuisine dans le local parfaitement équipé qu'il a installé dans son village de Jonchery. Dans la viande du pâté, il glisse des truffes du cru, les Tuber uncinatum que l'on trouve dans les sous-bois de la région et en fait dans tout l'est de la France mais surtout en Haute Marne.

Le renouveau de la truffe dite "de Bourgogne"

Il s'agit de la toute première truffe consommée par les Rois de France. A la fin du XIXème siècle, la production était de 80 tonnes par an, dont 18 tonnes pour les seuls terrains calcaires de Haute Marne.
Désormais, le département n'en produit plus guère que 1 à 2 tonnes et 4 à 5 les très bonnes années.
En fait, c'est la faute à la Grande Guerre et à celle de 40 aussi. Labourées par les bombes, les régions de l'Est ont vu les truffières littéralement explosées et leurs ramasseurs décimés dans les tranchées.

Sous l'impulsion de forestiers comme Claude Barbier qui "cave" avec son chien dans les forêts d'Autigny-le-Grand, cette production reprend vigueur. Reste qu'il leur faut lutter contre tous les ramasseurs qui piochent au pied des arbres et dévastent les truffières. Pour y parvenir, il faut éduquer, développer la production et élever le débat. Il s'y emploient…

À la poursuite du diamant noir de Bourgogne à Autigny-le-grand (52).
Diamant noir. Voir la vidéo... (06:32)
Cette truffe à facettes qui a aussi des allures de diamant noir est aussi appelée truffe grise. Quand on la canife, elle a une jolie couleur un peu chocolat pourvu qu' elle soit mûre. Sa saison s'étend entre le 15 septembre et le 31 mars avec son apogée entre octobre et décembre, c'est à dire juste avant la Tuber melanosporum du Périgord et du Tricastin.

Elle se prépare exactement de la même façon. En omelette, crue sur des tranches de pain grillé, râpée sur des préparations chaudes sans cuisson et elle est très nettement moins chère que son illustre cousine. Elle devrait beaucoup faire parler d'elle dans les années qui viennent. De nombreux marchés en proposent pendant tout l'automne, à Joinville, Langres, Arc en Barrois et à Richebourg les 14 et 15 décembre.
Richebourg comme Richerenches en Vaucluse. De quoi donner des idées…

Le top des pigeons et des écrevisses

C'est à Richebourg justement que Olivier Noirot et son épouse élèvent quelques 700 couples de pigeons dans leur ferme atelier Le Pigeon Barrois. Couvert de récompenses, cité dans les meilleurs ouvrages comme le guide "Hachette des Bons Produits" de Vincent Ferniot, l'élevage Barrois est renommé. Les animaux sont nourris au grain entier et vendus frais entiers mais aussi en filets, en cuisses, en conserves et en pâté.

A Thonnance-les-Joinville, c'est Jean-Pierre Geeraert, ancien météorologiste et océanographe qui s'est lancé dans l'élevage des écrevisses. Ce Breton qui a servi pendant 25 ans dans la Marine Nationale dit volontiers qu'il est passé de l'eau salée à l'eau douce. Et c'est bien d'eau dont il est question puisque c'est elle qui fait la qualité des "pattes rouges" qui évoluent dans les étangs et les bassins.

Ce jour-là, l'Hôtel de la Source Bleue*** à Gudmont-Villiers (52).
Source Bleue. Voir la vidéo... (02:41)
Passionné par les crustacés, il a commencé dans son nouveau métier en ouvrant une maison d'hôtes, Le Moulin aux Ecrevisses en 1997, puis une table d'hôtes et enfin cet élevage unique en Europe qui reçoit lui aussi les faveurs des connaisseurs. On vient de loin pour acheter ses écrevisses en direct et les déguster à table et sur réservation les week-ends et jours fériés. Même de la région parisienne.

D'eau il est encore question à la Source Bleue à Gudmont-Villiers, délicieux hôtel de charme merveilleusement décoré avec des meubles de famille et installé au milieu des prés verdoyants. Le lieu tient son nom d'une source d'un bleu profond qui jaillit dans la propriété. Cette couleur étonnante est due à la présence de cuivre et elle enchante bien du monde, habitants du village et clients de passage.

On imagine même que Simone de Beauvoir, qui venait en vacances non loin de là chez ses grands parents, et plus tard avec Sartre, Trénet et quelques autres a pu courir nue avec eux dans les champs comme elle n'hésitait pas à le faire parfois. Mais en fait, personne ne le sait de façon tout à fait certaine...