lundi 26 mars 2012

MÉTIERS D'ART ET D'AVENIR

Il y a formellement un double intérêt à l'organisation des Journées Européennes des Métiers d'Art qui se tiennent les 30-31 mars et 1er avril dans toute la France, mais aussi en Espagne, en Suisse, en Italie et dans la province de Liège en Belgique.

D'abord celui de découvrir les 217 métiers d'art répertoriés et qui répondent à l'exigence de 3 critères "Transformation de la matière, production d'objets uniques ou de petite série présentant un caractère artistique et maîtrise des savoir-faire " pendant trois jours riches en événements de toute nature.

Et aussi celui, pourquoi pas, de décider enfin de changer de vie et de se consacrer à une passion enfouie au fond de soi, si l'on a un tempérament artistique refoulé par une formation obligée à un métier dit "sérieux".

Ce genre de personnes Véronique Furlan qui dirige la SEPR (Société d'Enseignement Professionnel du Rhône ) à Lyon, en parle joliment. Dans son établissement, elle forme des élèves qui ont choisi de ne pas passer un bac scientifique, peut-être pas forcément à leur portée d'ailleurs (et il n'y a aucun mal à ça) avant de s'enfoncer dans une prépa et plus si affinités. Voire à qui l'on a proposé autre chose et qui vont peut-être, par défaut, se découvrir une vraie vocation. De celles qui épanouissent et donnent des couleurs à la vie.

Mais les adultes en reconversion sont nombreux aussi à pousser la porte. Ils ne sont pas forcément en échec et précipités dans une autre voie par le chômage. Loin de là. Ils poussent la porte de la SEPR à tous les âges. Après l'Université ou une carrière déjà bien avancée dans la vie active. Ils ont connu les "joies" des bureaux de la Défense ou équivalent. Ont eu leur dose de RER et de réunions tardives qui leur sont désormais devenues insupportables malgré les ressources des RTT.

Et on assiste, précise Véronique Furlan, "à des reconversions époustouflantes. A de vraies libérations du moi profond ". Le rôle de l'organisme formateur, c'est de faire en sorte que cette "envie qui vient de loin et à laquelle on donne la parole, soit viable ". Pour cela, il s'agit de les accompagner y compris au niveau technique et administratif. Pour cela, il faut savoir qu'il existe 102 centres de formation sur tout le territoire.

Peut-être Isabelle Rochéen est-elle passée par là... Ingénieur de formation, elle a repris à Paris la Maison du Pastel, entreprise familiale qui fabrique depuis 3 siècles des pastels à la main et propose plus de 650 nuances à une clientèle qui a compté Degas, Safran et Redon dans ses rangs. C'est fou ce que les ingénieurs finissent par abandonner la carrière. On pense à Aurélie d’Assignies-Chauvin qui a monté son atelier de cuisine "Délicieusement Vôtre" à Sainte Foy les Lyon ou encore à Christine Grosjean, ingénieur INSA, amoureuse du chocolat et épanouies elles aussi désormais, qui a ouvert à Charly au sud de Lyon son atelier "Il était une fois Chocolat" dans lequel on apprend à travailler le chocolat.

L'objectif des JEMA, comme on les appelle en raccourci, est d'atteindre le même degré de notoriété que les Journées Européennes du Patrimoine qui se déroulent chaque année en septembre et c'est tout à fait à leur portée.

Dans un pays dont on regrette la désindustrialisation, les métiers industrieux et individuels comme les métiers d'art sont une ressource infinie et non délocalisable. Du moins si l'on est attiré par la qualité de l'inspiration et du savoir-faire. Comment créer et fabriquer ailleurs des objets de luxe qui font la renommée internationale d'entreprises haut de gamme comme Hermès, Vuitton, Bernardaud, Lalique, Baccarat, Chanel qui, toutes, possèdent des ateliers métiers d'Art?

C'est aussi le cas, dans un genre plus individuel et avec l'audace qui caractérise ce genre d'entreprise, de Stéphanie et Julien Pitrat qui voient défiler le monde entier dans leur atelier d'objets décoratifs à base de vitrail du quartier Renaissance du Vieux Lyon, classé au Patrimoine de l'Unesco. Ceux-ci font partie de l'association des Artisans d'Art à Lyon qui compte dans ses rangs des bronziers, doreurs sur bois, horlogers, marbriers, relieurs et autres talents... Parmi leurs meilleurs clients, les Australiens qui commandent de belles pièces et se font livrer à l'autre bout du monde.

On en profitera si l'on est pendant ces 3 jours entre Rhône et Saône pour visiter l'exposition "Quand les Livres s'amusent " qui se tient du 30 mars au 24 juin au musée de l'Imprimerie et présente ce que l'on appelle des livres à systèmes. Une spécialité qui a vu le jour en 1230, a connu son épanouissement au 14ème siècle et continue de nos jours avec les "pop up ". Le musée a bénéficié de nombreux prêts. Notamment de la Bibliothèque Nationale, de la Bibliothèque Municipale de Lyon et surtout de Robert J Roben, le plus grand collectionneur américain dans le genre.

A Paris les manifestations sont évidemment fort nombreuses. On citera, entre autres merveilles, l'atelier de restauration d'œuvres modernes et contemporaines d'Alex Vanopbroeke qui voit passer entre ses mains des œuvres de Picasso, Soulages, Pincemin et à qui l'on doit la restauration du café Lapérouse.

Et aussi dans les Plus Beaux Villages de France, œuvres d'art en eux-mêmes, à la découverte de l'art de la faïence et de la Coutellerie à Moustiers, pour faire une balade en Côte d'Or à Flavigny-sur-Ozerain et rencontrer les artisans d'art de la Maison des Arts Textiles & du Design, mais aussi de Saulieu, Semur en Auxois et Dijon. En profiter, le cas échéant pour faire un détour à Vézelay où le cuisinier de l'Espérance, Marc Meneau artisan d'art dans son genre, vient de se voir décerner le Talent d'Or des Talents du luxe et de la Création 2012.

Visiter enfin, dans l'Indre Gargilesse-Dampierre, le village de George Sand et les ateliers des artisans qui s'y sont établis. Nul besoin de couvrir des kilomètres pour découvrir le travail passionnant de tous ces gens qui aiment ce qu'ils font et ont, pour certains, repris leur destin en mains. Il y a 289 manifestations, 34 circuits dans 3295 ateliers. Le week-end n'y suffira évidemment pas.