mercredi 16 février 2011

CARNAVALESQUE



Il ne s'agit pas de confondre fête foraine et carnaval. Si la première est une occasion de se distraire avec des attractions et autres manèges qui se déplacent de ville en ville, les seconds représentent davantage un rite qui a à voir avec la fin de l'hiver dont on brûle l'effigie malfaisante, assimilée pour l'occasion, aux riches et aux puissants desquels on se venge une fois par an.

Masqué, on peut tout se permettre, se lâcher et dire tout haut ce que l'on pense tout bas le reste de l'année.

C'est le droit au déguisement, à la dissimulation, pour une fois. On se révolte, on s'exprime, mais on flirte aussi librement et on s'offre des rencontres sans lendemain qui ne sont pas censées tirer à conséquence. Comme les belles aristocrates dissimulées derrière leur loup de velours et dans un domino noir. On pense à Marie-Antoinette qui trouvait ce moyen de s'échapper de Versailles et de vivre sa jeunesse. Les carnavals sont multiples et variés, mais à leur manière, ils célèbrent tous quelque chose.

A Dunkerque, le carnaval, qui a débuté le 12 février et dure jusqu'au 3 avril était chargé d'émotion. Les pêcheurs s'apprêtaient à partir en campagne à Terre-Neuve sans être sûrs de revenir. Mais il fallait bien vivre, et c'était en bandes débridées que l'on évacuait son angoisse. La tradition a perduré. A Nice, du 18 février au 8 mars, un des plus célèbres au monde avec ses chars et sa bataille de fleurs (est-ce bien éco-raisonnable de gaspiller autant de bouquets?), on fait aussi dans l'impertinence. Et c'est en pensant au char qui représentait Khomeini, que j'avais vu en préparation en atelier dans les années 80 et qui fut finalement interdit, que je me rend compte que ce n'est pas d'hier qu'on a appris à la fermer. Y compris pendant le temps du Carnaval...

Privé de Tunisie, d'Egypte et peut-être d'autres rives de la Méditerranée au printemps, on se dit que c'est peut-être l'opportunité de se rendre dans les villes européennes pour assister à ces grandes démonstrations populaires que sont les carnavals. Et si l'on n'aime pas trop la foule, on peut s'offrir le carnaval en version élégante en se trouvant un bel hôtel ou un bel appartement et en savourant le spectacle des costumes à Venise du 26 février au 8 mars le long des canaux pour les manifestations publiques, ou mieux encore dans les palais au cours des fêtes privées qui n'ont rien à voir avec les lancés de harengs depuis le bacon de l'hôtel de ville de Dunkerque (les harengs sont mis sous plastique et sous-vide, je me suis renseignée...)

Carnaval donc dans toute l'Europe et même les petites villes comme Romans (38-Isère) le 12 mars, Annecy du 18 au 20 mars, qui prend Venise pour modèle et Monte Carlo qui organise un week-end vénitien les 11 et 12 mars. Mais surtout en Allemagne à Cologne, Düsseldorf et Mayence pour ce que l'on appelle les carnavals rhénans, les Fasnet ou carnavals alémaniques et les Fasching comme à Münich.

En attendant des jours meilleurs sur les plages d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient dont les révolutions seront peut-être un jour parodiées sous la même forme et en ode à la liberté conquise. A l'image de notre 14 juillet qui ne faisait pas dans les flons flons quand les sans-culottes prenaient la Bastille.

Pour ceux qui n'imaginent pas de partir autrement que sur long courrier, faute de quoi le dépaysement n'y est pas, il y a le Carnaval de Rio du 2 au 10 mars. En espérant que les costumes des écoles de samba qui sont partis en fumée avec l'entrepôt qui les abritaient, auront eu le temps d'être refaits. Mais voyons l'aspect positif des choses, Rio est au Brésil et pas au Mexique, ce qui fait une difficulté diplomatique de moins si on envisage de s'y rendre.

Je me souviens, avoir parlé ici même du carnaval de Martinique (du 5 au 9 mars 2011) qui a sombré corps et biens dans les grandes grèves aux Antilles il y a 2 ans. On peut aussi tenter cette année, du 5 au 11 mars de préférer le carnaval sur des airs de jazz à la Nouvelle-Orléans, en espérant ne pas y croiser un cousin de Katrina! Pas facile de prévoir de voyager de nos jours. Après avoir connu les éructations du volcan islandais, puis les congères sur les tarmacs au mois de décembre, voilà que les révolutions nous épouvantent plus sûrement que les aimables grotesques des défilés.

Partie en Libye début décembre, j'ai dans mes tablettes de bien jolies impressions à livrer à tous ceux qu'intéressent les voyages culturels. D'admirables ruines de villes romaines entières à l'image de Leptis et de Sabratha et, au-delà de la mince bande littorale en s'enfonçant dans les sables, des expéditions dans le désert et les dunes du Sahara "hors des hordes" comme on dit, quand les touristes sont rares. Les agences et tour-opérateurs sont nombreux à proposer ces voyages intelligents et peu communs.

Je vous proposerai donc prochainement "d'oser Tripoli" en prenant Afriqiyah Airways au départ de Paris et même de Lyon. Cela permet de rejoindre 18 destinations dans toute l'Afrique avec une seule escale à Tripoli. Ce n'est pas plus idiot que de passer par Bruxelles ou Francfort, comme le proposent certaines agences de voyage en suivant leurs habitudes.

Parce que les envies de partir et de découvrir redeviendront plus fortes que les événements. Que les populations qui revendiquent leur liberté ont besoin de voir venir ou revenir les touristes... et d'échanger avec eux, leurs points de vue, leurs désirs, leurs aspirations et aussi leurs "06". C'est même comme ça que tout commence!