jeudi 24 juin 2010

LA SAVOIE A L'ETAT SAUVAGE



J'ai mis du temps à découvrir les charmes de la vallée de la Maurienne. La tentation est forte, quand on a passé Chambéry, de filer vers Albertville et de se distribuer ensuite vers le Val d'Arly et Megève, la Tarentaise et les Trois Vallées, la Haute Tarentaise et l'Espace Killy. Laissez vous faire, entre Chambéry et Albertville, prenez à droite en direction de la Maurienne et de la Haute Maurienne. C'est une vallée bien moins "civilisée", les prix y sont plus doux et les activités nombreuses.

D'autant que l'année 2010 est propice à sa découverte puisque l'on fête le 150ème anniversaire de la Réunion de la Savoie à la France et que c'est le col du Mont Cenis et la commune de Lanslebourg en Haute Maurienne Vanoise qui sont les lieux les plus concernés puisque le premier était le lieu de passage obligé et que la seconde fut coupée en deux à l'occasion.

A l'aller et pour faire le plein d'infos, on en profitera pour découvrir l'exposition "1860 et ses commémorations, entre mémoire et histoire, l'Annexion de la Savoie à la France" qui se tient au Musée Savoisien à Chambéry jusqu'au 20 septembre et découvrir toutes les manifestations organisées autour de l'événement.

Du 10 au 24 juillet, la Quinzaine Culturelle des Grands Espaces du Mont Cenis animera le site du Mont Cenis en collaboration avec le territoire de Val di Susa en Italie. Avec un atelier Théâtre Franco Italien du Mont Cenis et Marco Alotto, les 10 et 11 juillet; un cycle de conférences pour une autre approche du territoire ; des sorties découverte sur le terrain (y compris un programme « spécial enfants ») et la 33ème édition de la Fête Franco Italienne de l’Alpage au Mont Cenis le 18 juillet. Tous les événements qui concernent le rattachement en Maurienne sont soigneusement répertoriés sur un site dédié.

Les amateurs de vélo trouvent leur bonheur dans cette région réputée comme étant le plus grand domaine cyclable du monde. Il y en a pour tous les goûts et tous les coups de pédale avec des itinéraires verts comme "Le Tour aux Portes de Maurienne" en fond de vallée et flancs de coteaux; bleus un peu plus ardus; rouges dont celui qui fait, depuis Modane, le tour des forts de l'Esseillon et des noirs comme celui qui passe par le fameux col de la Madeleine emprunté par les coureurs du Tour de France qui arriveront ensuite le 13 juillet à Saint-Jean-de-Maurienne pour rejoindre Chambéry le lendemain. La région est évidemment incontournable avec ses 8 cols dont le fameux Galibier. C'est au pied de ces murs-là que l'on voit le maçon. Ou plutôt le champion!

Pas le temps de s'ennuyer le reste du temps, les activités et autres événements sont nombreux avec, par exemple le «5ème festival Horizons Sauvages » du 15 au 21 juillet dédié à la photographie de nature pour mettre en valeur la protection des écosystèmes et les efforts de développement durable avec des expositions, concours, ateliers et randos photos... Ou encore le festival «Contes et Légendes de montagne » du 20 juillet au 8 août 2010 qui se déroule aux Albiez depuis 1996. «Zian des Alpes », dit "le colporteur d’histoires du pays des Aiguilles d’Arves", en est le créateur et le directeur artistique. Passionné de l’oralité de montagne il raconte plus de 250 histoires différentes collectées au fil du temps.

Ne pas manquer, en lien étroit justement avec le 150ème anniversaire du rattachement, le Festival d’Art Vivant de Modane «Esseillon En Corps » du 02 au 07 août 2010 avec la compagnie de danse «Le Cil de Loup » dirigée par Patricia Olive – chorégraphe d’origine modanaise – qui reprend les rênes de l’événement. La troupe a choisi comme scène les cinq Forts de l’Esseillon. Construits au début du XIXème siècle, ces anciens gardiens de la route du Mont-Cenis qui portent les prénoms des princes et princesses de Savoie surplombent la vallée de l’Arc à près de 1500 mètres. Le Festival se clôturera en beauté par le bal moderne des «Koreureu », bal intergénérationnel accompagné par les musiciens d’Eric Capone en live. Une équipe de danseurs professionnels apprendront aux participants quatre courtes chorégraphies.

Et bien entendu, le fameux Festival d’Astronomie du 07 au 13 août qui investit depuis 26 ans le site privilégié de la Haute Maurienne Vanoise, idéal pour observer les étoiles. L’univers dévoile ses secrets au travers de conférences avec des spécialistes (de très haute volée), de spectacles thématiques et d’ateliers pratiques. Les plus jeunes auront droit à leur propre aventure spatiale avec le programme «Astronomes en herbe » adapté à leur âge

Les amateurs d'art et d'histoire se régaleront aussi en partant à la découverte des églises baroques plus nombreuses ici que n'importe où ailleurs. Il y en a 80 dans toute la Savoie et Haute-Savoie. Notre Dame de l’Assomption à Valloire vaut surtout pour son monumental retable («retro tabula », la table de derrière) de 10m sur 11. Rouge, vert et doré à l’or fin, il entoure le tabernacle et porte l'inscription «Autel Privilégié » en allusion aux coûteuses indulgences qui y étaient délivrées.

Malgré toutes ces merveilles, le seul bémol qui pourrait être porté sur la région, c'est un certain manque d'infrastructures hôtelières. Pendant que les 5 étoiles et les chalets de luxe sont tous fermés à Courchevel, on n'est pas encombré par les palaces dans la vallée. Certains 2 étoiles familiaux sont mêmes un peu justes au niveau du confort. Mais les résidences hôtelières, locations de bon niveau se développent et les chambres d'hôtes et gîtes qui ont de plus en plus de succès sont aussi de plus en plus nombreux.

Dans le joli village de Bonneval-sur-Arc, classé parmi les Plus Beaux Villages de France et le hameau de l'Ecot juste un peu plus haut, on retiendra les Abeillos, un chalet en pierres sèches. Ou encore à Bramans au hameau du Planay à 1600m d'altitude le gîte Lavis-Trafford qui doit son nom à son premier propriétaire Antoine de Lavis-Trafford connu pour son obstination à démontrer qu’Hannibal, en 218 av.J.-C., avait fait passer ses éléphants par le col du Clapier juste à côté.

jeudi 10 juin 2010

LES VINS DES GORGES



C'est le moment cette semaine, de balayer devant la porte d'un certain nombre de lieux communs. L'idée que l'on se fait de l'Ardèche Méridionale tout d'abord. C'est le Midi, mais pas tout à fait... Vrai! Le soleil est présent et le Mistral aussi le bougre (ah cette dégustation de Côtes-du-Vivarais AOC dans le jardin du musée de la Lavande de Saint Remèze sous les bourrasques!). Mais il s'agit aussi d'une terre sauvage, cévenole, entre volcans assoupis et Méditerranée, traversée, à fond la caisse, par une rivière d'Ardèche tumultueuse qui creuse ses célèbres gorges et coupe le souffle de ceux qui regardent et de ceux qui la descendent en canoë.

Les hommes préhistoriques déjà, savaient que les lieux valaient qu'on y aménage ses grottes. Ils ont vécu, il y a longtemps dans des lieux comme la grotte Chauvet. Décorée d'animaux sauvages et de représentations artistiques de la vie quotidienne, elle "enfonce" le célèbre site de Lascaux. D'autant que les peintures n'ont pas été couvertes des moisissures provoquées par la respiration de milliers de visiteurs. Elle est donc intacte et entièrement livrée aux scientifiques et autres experts. D'ici 2 ans environ, il y aura une réplique ouverte aux visiteurs. Exactement comme à Lascaux.

En suivant la départementale qui longe les gorges, on aperçoit, de loin, l'entrée de la grotte. On imagine difficilement qu'il ne puisse exister que celle-ci. Excitant! Les hommes sont en Ardèche du sud depuis... Mettons toujours! On retrouve les Romains à Alba-la Romaine la bien nommée dont le festival se tient du 14 au 18 juillet 2010. Pas d'opéra grandiose sur le site, mais une vision bien différente du spectacle. Ce sont les clowns et leur nez rouge qui ont investi depuis quelques années le site gallo-romain. Alba-la-Romaine est un des villages de caractère d'Ardèche. On citera aussi le premier d'entre eux Antraigues, cher à Jean Ferrat et où il est désormais enterré. Balazuc et son château. Et d'autres encore où nous irons faire un tour un de ces jours.

Du temps des Romains, la vigne et le vin existaient déjà. Et là encore, autre lieu commun: Les quelques 23 "coopets" que comptent les vins d'Ardèche ne produiraient que du "picrate" en cubitainers. Faux, archi faux! Ils sont bons et même très bons. Pas une fausse note parmi les blancs issus d'une dizaine de cépages dont les Chardonnay, Grenache, Roussanne et Vioginier, les rouges de Grenache, Syrah et surtout Gamay et les rosés dont pas un seul ne dépasse les 10EUR au départ de la cave.

D'où l'intérêt d'aller les déguster et les acheter sur place. De préférence quand les Hollandais seront repartis chez eux (trop de monde en plein été, bien que je n'aie rien contre les Bataves!). On en profite pour aller admirer le fameux Pont d'Arc et découvrir qu'il s'agit vraiment d'une région divinement sauvage.

Au détour d'une route de montagne qui conduit vers l'hôtel restaurant la Mère Biquette, depuis lequel, on va surplomber une vallée de merveilles, on croise des chèvres sauvages archi-baraquées. Les "chèvres à Bouboule" (du nom de leur proprio, un sympatoche exilé des villes) sont costauds. Rien à voir avec nos biquettes ordinaires.

La rencontre est tout à fait possible aussi avec des cochons sauvages. Un croisement du porc domestique et des sangliers des forêts ardéchoises. Ceux-là même qui ont tendance à dévaster un peu les vignes qui s'alignent comme des rangs de tricot et alternent avec les champs de lavande. Ils sont rigolos et tiennent vraiment, physiquement, du père et de la mère.

Les vignerons ardéchois ressemblent à leur terre (logique). Il en est un qui raconte comment il a pris la tête de quelques uns de ces agriculteurs opiniâtres qui ont replanté du chatus, un cépage oublié, bien rouge ou plutôt bien noir. Caractérisé par ses grosses grappes à petits grains. Il donne un rouge de fort tempérament qui, aux dires du vigneron, "ne vous saute pas au cou". Evidemment, il s'agit d'un vin de garde, une exquise curiosité qui donne bien du mal à ceux qui le plantent et l'élèvent.

Les vignerons-maçons, comme on les appelle ici, passent encore plus de temps à relever les "faïsses" (les murets) qu'à cultiver la vigne. Et ils ont du mérite. Le m2 de terrain agricole coûte environ 1EUR et pourrait se revendre 100EUR à de riches étrangers qui bâtissent de superbes mas de pierres sèches occupés tout juste un mois par an. Mais c'est ainsi aussi qu'ils entretiennent la campagne et prennent soin des paysages en relevant les ruines.

Les AOC Côtes du Rhône sont bien défendus par les viticulteurs et se font parfois remarquer grâce à des vignerons (-nes) comme Hélène Thibon du Mas de Libian à Saint-Marcel-d'Ardèche, qui sait parler des vins en usant d'anthropomorphismes. Elle les appelle ses "bébés", dit qu'ils sont encore "dans les couches" ou que ce sont des "ados" et manifeste toute sa fierté d'être la 7ème génération depuis 1670. Sinon, qu'il n'y a plus désormais que des filles dans la famille. Mais quelles filles!

Ou encore Raphaël Pommier producteur de Côtes-du-Vivarais au Domaine Notre-Dame-de-Cousignac à Bourg Saint-Andéol, père de 4 filles (encore!) et ardent défenseur des produits ardéchois par le biais de l'association Goûtez l'Ardèche. Il parle lui, des rosés, qui ne sont pas que des vins pour l'apéro, mais des vins de repas. A boire sur les tomates farcies et tout ce qui est à base de légumes du soleil confits dans la cuisine. A table!

L'Ardèche a des ressources. Gastronomiques, touristiques et de vraiment excellents vins. Elle vaut le détour et même le séjour. D'autant que, bien des vignerons, comme un peu partout, accueillent les touristes dans leurs chambres d'hôtes et gîtes. Heureuse compensation d'une hôtellerie parfois essoufflée et frileuse qui ferait bien parfois - c'est un conseil - de se remettre un peu en question.