mardi 19 janvier 2010

CUISINIER DES RUES



Le talentueux Monsieur Le Bec ne lâche jamais l'affaire. Alors même que paraissait son livre "La Cuisine des Voyages" chez Glénat l'an passé, il suivait son idée de monter un restaurant où 3 à 400 personnes pourraient s'installer pour y manger une cuisine accessible, raffinée, imaginative mais profondément respectueuse des produits et inspirée par les 4 coins du monde. Il l'a fait et c'est ouvert depuis l'automne dernier. La Rue Le Bec avait besoin d'un lieu qui ne ressemble pas à la ville de Lyon telle qu'on la connaît de réputation.
Il fallait une adresse inédite, totalement en devenir, très XXIème siècle. Il s'est installé à la Confluence, le nouveau quartier, "the place to be". Encore sordide il y a peu avec ses anciens immeubles des douanes et du port fluvial tout cassés, les décharges sauvages et l'expo "Our Body" pour couronner le tout... Glauque.

Mais depuis, les immeubles poussent comme des champignons et pour un peu on irait s'y remonter le moral et oublier la crise le dimanche après-midi en découvrant ce quartier tout en construction, mais déjà florissant. Le futur "Pôle Média" achève de se monter. Le Progrès de Lyon est déjà installé, les immeubles à vendre ou à louer font de l'oeil à Euronews, le Conseil Régional s'apprête à abandonner ses locaux au vert de Charbonnières pour s'installer là où ça bouge.

Ses 400 couverts, Nicolas le Bec les atteindra facilement. Dans ce lieu vibrant, tout nous est promis. Piscines, centre commercial, boutiques, restaurants posés sur des îles artificielles au milieu de la Saône. Et chaque jour, à l'heure du déjeuner, tout ce que le quartier compte de pionniers déjà installés vient faire ses emplettes. C'est pour 3 euros environ, une salade à emporter que l'on compose soi-même, la sauce que l'on choisi, exotique ou plus conventionnelle, la baguette que l'on achète à la boulangerie.

En feuilletant le livre de Nicolas, on voit le chef en vadrouille, le nez au vent, en jean et tennis à Shangaï, à Marrakech, à Sao Paulo, à Naples. Et là où il se régale, même s'il est attendu dans un restaurant de luxe où est organisée une semaine gastronomique autour de lui, c'est sur la place Jemaa El Fna à Marrakech où il avale une assiette d'escargots au fenouil. Sur les marchés et dans les cantines populaires, installé sur un coin de table poisseuse pour y faire un des meilleurs repas de sa vie : brochettes de poulet grillé et citronné et une soupe dans laquelle flotte quelques étoiles de cardamome. A Shangaï, il soulève les couvercles des marmites dans la rue pour humer les parfums. A Naples, il déguste debout, sur une serviette en papier, une pizza repliée pour éviter qu'elle ne refroidisse.

C'est un peu cette ambiance que l'on retrouve Rue Le Bec le dimanche au brunch par exemple. On défile devant les marmites, on aspire quelques huîtres archi fraîches que l'on accompagne de pain de seigle au beurre d'algues, pendant que d'autres clients les choisissent à emporter. On abuse des pizzas et on retourne au plat. Derrière les banques où sont posées les assiettes, des cuisiniers qui viennent des 4 coins du monde vendent leur soupe et poussent à la gourmandise. Une jolie jeune femme thaïe qui sourit sous sa toque de cuisinier, raconte que le wok que l'on déguste, c'est elle qui l'a préparé.

A l'entrée de la rue, on achète le pain pour le soir, on choisit des fleurs en quittant le bureau pour offrir en cadeau de soirée. On s'installe aussi pour boire un verre de Beaujolais devant les tonneaux de la boutique des vins à tout heure de la journée et même tard le soir et on ne s'étonne en aucune façon de croiser Nicolas toujours sur les 4 chemins et pourtant toujours là. Toujours "à la rue" en fait comme le dit sa messagerie.

Dans ce qui devait être un espace gastronomique pour une trentaine de tables et qui est resté rue Grolée à Lyon, il a installé un salon et, juste à côté une suite pour que le client venu d'Ibiza ou de Shangaï ou de n'importe où puisse passer la nuit. A la belle saison, on s'installera sur la terrasse face à la Saône et tout le quartier, qui aura encore évolué, continuera à bruisser autour de la Rue Le Bec.
Pendant ce temps-là, Nicolas continuera à voyager. Au moins dans sa tête et avec ses stagiaires et ses cuisiniers et, comme toujours, il oubliera de dormir et on le trouvera le matin avec ses cheveux ébouriffés et son air de sortir de son lit. Où semble-t-il, il ne va pas souvent.

jeudi 7 janvier 2010

TRUFFE VERSUS TRUFFES



Depuis que la production de truffes noires en France est passée de 1500 tonnes en 1868 à 500 tonnes en 1920 pour finir à 30/40 tonnes en 2006, la "rabasse", comme on l'appelle, n'a jamais autant fait parler d'elle. Et à considérer le nombre impressionnant de marchés aux truffes, de restaurants qui proposent des menus truffes, de séjours dans les maisons d'hôtes et dans les truffières, on a peine à croire que la production continue à décliner doucement et dangreusement.
En France, on tient au "diamant noir" comme à la prunelle de ses yeux et on encourage fortement les initiatives de tous ceux qui se verraient bien trufficulteurs. L'Office National des Forêts a même édité un petit opuscule destiné à encourager les vocations et à restaurer les capacités des truffières naturelles dans le Vaucluse. Avis à tous les gratte-papier qui rêvent de changer de vie ! Pendant ce temps-là - et que sur les marchés prolifèrent les truffes chinoises, qui n'ont de truffes que le nom - les éleveurs de chênes et de chiens truffiers se bagarrent pour revendiquer la prédominance de leur terroir.

Pour bien des consommateurs, la truffe noire gastronomique et coûteuse, c'est la truffe du Périgord. Et c'est d'ailleurs ainsi qu'on l'appelle. Sinon que c'est dans le Tricastin, le sud de la Drôme et le Vaucluse que l'on récolte 70% de la production française.

Gloire donc au marché de Richerenches (84 - Vaucluse) qui se tient tous les samedis matin entre le 27 novembre, jour de la Saint-Sevrin et le 19 mars, jour de la Saint-Joseph. Avec, en point d'orgue, la fameuse Messe des Truffes, cette année le 17 janvier, au cours de laquelle, on ne refile pas de pièces jaunes au curé, mais bel et bien de bonnes truffes dont le prix au kilo devrait permettre de refaire les toits de toutes les églises du coin.

Marchés aux truffes et Fêtes de la Truffe, les amateurs qui disposent d'un peu de temps en cette saison rigoureuse ont de quoi faire. On démarre le 10 janvier à Saint-Geniès-des-Mourgues (34 - Hérault) près de Montpellier qui organise sa 4ème Fête de la Truffe et on enchaîne... A Pernes-les-Fontaines le 20 janvier pour une première édition, à Carpentras le 7 février et à Avignon le 21 février.

Et pour en savoir davantage sur cette truffe d'exception, il suffit de passer un moment à la Maison de la Truffe et du Tricastin à Saint-Paul-Trois-Châteaux (26 – Drôme). Dans la foulée, on peut se rendre à la Fête de la Truffe qui se tient chaque année, le 2ème dimanche de février. Mais ce n'est qu'un exemple. Dans les villages du Luberon comme Ménerbes, on en profite pour visiter le Musée de la Truffe et du Vin installé dans l'hôtel d'Astier de Montfaucon qui date des XVII et XVIIIème siècle. A Gordes et Roussillon, on célèbre la truffe tout autant.

Evidemment, les restaurants, hôtels et maisons d'hôtes en profitent pour organiser des séjours autour de la truffe. Cavage à la suite d'un trufficulteur, dégustation, cours de cuisine, les propositions se retrouvent en quantité dans la Drôme et dans le Vaucluse.

Mais le Périgord se défend bien et, pour nous aider à nous remettre des agapes de fin d'année, on nous propose à Sarlat (24 - Dordogne) de célébrer la truffe et le foie gras. Les 16 et 17 janvier, la toute récente Académie Culinaire du Foie Gras et de la Truffe participe à la Fête de la Truffe. Elle a vu le jour à l'initiative de la ville de Sarlat, des foies gras Rougié et de la Maison Pebeyre, les seuls et uniques négociants dans le monde de la truffe.

Ceci expliquant cela, le Tricastin et la Drôme sont plutôt entre les mains de trufficulteurs et restaurateurs individuels tandis que le Périgord dispose de maisons de bonne notoriété, qui existent, comme c'est le cas de Rougié, depuis 1875. Mais l'important, c'est que la production de truffe dure, croisse et embellisse. Ici et nulle part ailleurs. On s'y emploie.

Toujours à lire pour en savoir plus sur la truffe, "Richerenches la secrète – Marché en terre de truffes" chez La Muse Editeur. Vendu en librairie et directement en ligne.