mercredi 21 octobre 2009

PICASSO AND C°




Le tout premier Picasso auquel on est confronté en abordant cette exposition d'une richesse exceptionnelle, ne manque pas de déconcerter. Face au Nu aux bas rouges, réalisé par l'artiste en 1901, on pense davantage à Edgar Degas et Toulouse-Lautrec qu'au pape du Cubisme.

Ce tableau-là, on l'aurait bien imaginé dans les collections que Rose Dawson emportait sur le Titanic. Cette prostituée montmartroise, on l'aurait imaginée peinte par l'artiste amoureux, victime du naufrage.
Toute proche de Marie Coca et sa fille de Suzanne Valadon, elle fait pénétrer dans l'univers très onirique de cette exposition dont la présentation en écrin au travers des 25 sections qui regroupent près de 200 oeuvres, presque toutes propriété du Musée des Beaux-Arts de Lyon, génère encore davantage d'émotion qu'à l'ordinaire.

Le "Louvre lyonnais" dispose ainsi d'une des plus belles collections d'art moderne en France. En grande partie grâce à des dons. Le plus spectaculaire étant celui de Jacqueline Delubac, troisième épouse de Sacha Guitry qui a fait don au musée en 1997, d'oeuvres de Braque, Léger, Dufy, Fautrier, Hartung, Lam, Victor Brauner, Dubuffet, Bacon et surtout La Femme sur la Plage , de Picasso qui date de 1937. Cette donation de la belle lyonnaise qui était pour beaucoup, le symbole parfait de la Parisienne, dit assez combien les élégantes éclairées de l'époque, à l'instar du personnage du film de James Cameron, étaient de fantastiques collectionneuses et que les artistes leur doivent beaucoup.

Pas de frustration à la fin de l'exposition quand "Picasso, Matisse, Dubuffet, Bacon – Les modernes s'exposent au Musée des Beaux-Arts de Lyon" qui se tient du 10 octobre au 15 février 2010 retrouvera les espaces d'exposition permanente que l'on en profite pour réaménager, au printemps 2010. Mais il serait dommage de manquer cette scénographie délicate de l'exposition temporaire qui commence par un fond pas tout à fait blanc comme le réclame souvent l'art moderne et dont les variations de gris pâlissimes donnent de la douceur, et même de l'éclat. Le musée s'est livré, comme le dit joliment Sylvie Ramond, sa conservatrice, à une sorte de "braconnage" pour mettre les oeuvres en scène et créer l'interprétation. Les scandaleux du Fauvisme, hués au Salon d'Automne en 1905, "pavoisent" dans la section N°2 qui regroupe Dufy, Marquet et Utrillo…

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon est parmi les premiers musées à avoir fait l'acquisition d'oeuvres impressionnistes et c'est grâce à de grandes expositions au milieu du siècle dernier que les dons se sont fait plus nombreux, comme ceux de la veuve d'Albert Gleizes qui fait que le fond des oeuvres de ce peintre sont particulièrement importantes. Au fil des sections, la place faite aux arts graphiques est essentielle et les perspectives réclament d'effectuer la visite à un moment calme. Pour apercevoir Le Hibou rouge strié en terre cuite polychrome de Picasso au-delà d'une oeuvre de Fernand Léger. Découvrir Matisse qui, venu se faire soigner à Lyon, a été généreux avec la ville. Repérer dans la section des surréalistes, là où trône la Femme assise sur la plage de Picasso, légué par Jacqueline Delubac, les jeux de mains des oeuvres voisines qui vont jusqu'à la Piéta en bois d'olivier d'Etienne-Martin exposée dans la salle voisine baptisée "Trauma" où l'on expose la douleur et tout le ressenti des horreurs de la guerre jusqu'à La Prisonnière, un bronze fascinant du Russe Ossip Zadkine.

On ne manquera pas, bien sûr le Paysage blond de Dubuffet acquis en 1956 grâce à l'obstination du critique René Déroudille. C'est le premier tableau de l'artiste entré dans une collection publique en France. Et La Prise de Constantinople de Pierre Bettencourt , réalisée avec des matériaux comme la toile de jute et les coquilles d'oeufs avant de terminer par un clin d'oeil au Pop Art tout naturellement. On pourra aussi profiter de cette expo grandiose en nocturne de 18 à 22 h les 6 novembre 2009 et 5 février 2010.

Pour se remettre de ses émotions, et elles sont grandes, un petit tour, très prosaïquement aux Terrasses Saint Pierre, le restaurant salon de thé du musée qui fait d'excellents brunches le samedi et le dimanche et de savoureux cakes aux pralines (entre autres...). On peut aussi en profiter pour savourer la paix des jardins bien cachés autour du musée et pourtant à 2 pas de la place des Terreaux.

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